Christophe Briquet Ostéopathe énergéticien

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Le mythe de la vertèbre déplacée

S’il est bien un mythe à la réputation tenace, c’est bien celui de la « vertèbre déplacée », puisque même  certains praticiens, l’entretiennent et le répandent auprès de  leurs patients.
Comment s’étonner dès lors, que ces patients à leur tour, à la moindre douleur rachidienne, parlent de "vertèbres qui se sont déplacées" ?

Brisons le cou définitivement à ce mythe  et  profitons de cette occasion qui nous est offerte ici,  pour comprendre qu’il est certes possible, que des surfaces articulaires vertébrales (« facettaires ») soient « restreintes » dans leur libre jeu articulaire physiologique, mais qu’en aucun cas, il  ne s’agit là, d’un quelconque « déplacement de vertèbres » …..
Si j’insiste particulièrement sur ce point, c’est qu’il est essentiel de comprendre que, même  quand  cette  « lésion vertébrale » est présente  (et  n’est donc en rien un «  déplacement  »), elle n’est dans tous les cas qu’une adaptation « secondaire » à des contraintes myo-fascio-ligamentaires,( "myo" = muscle) c’est à dire, tissulaires qui, elles, sont « primaires ».

Quoi qu’il en soit cette « lésion vertébrale » ne constitue donc jamais un  « déplacement » qu’il conviendrait de « replacer » : il s’agit seulement d’une restriction de mobilité au  sein des surfaces articulaires « facettaires », sous l’action d’un ou plusieurs « schémas de contrainte » tissulaires, sous forme de « tractions », « tiraillements », « spasmes », « raccourcissements », etc…etc…

C’est donc au sein de cette « architecture fibro-tissulaire »(voir « le Fascia en Ostéopathie ») qu’il y a lieu de chercher, ce que nous autres, Ostéopathes, nommons, la « lésion primaire », elle seule responsable de la diminution de mobilité articulaire vertébrale.
Vous aurez donc compris que c’est là que doit se concentrer notre effort thérapeutique, c’est à dire sur « la cause » (les tissus et leur distorsions ) et non pas sur « ses effets » (le problème articulaire) .

Donnons à ce sujet la parole à Jacque Andreva Duval, Ostéopathe respecté aujourd’hui disparu :

Donc et avant tout, cette lésion ostéopathique n’est pas un déplacement. En effet, l’étude de l’Anatomie nous apprend que, sauf dans certains cas de traumatismes violents ( relevant alors du domaine de la neurochirurgie), une vertèbre ne se déplace jamais (on ne peut donc pas la « remettre en place », comme le prétendent certains plaisantins). En cas de « lésion », les facettes articulaires vertébrales restent « relativement » fixées dans la position plus ou moins extrême ou les a surprises ou poussées le traumatisme ; mais cela, à l’intérieur de leur champ physiologique de mouvement. (……..). De toute façon, la vertèbre n’est pas « déplacée » ; elle n’est même pas « bloquée » ; (….) Dans les cas courants , la vertèbre est simplement maintenue dans cette position forcée par un spasme extra-articulaire se situant au niveau des tissus qui l’entourent directement.

Quant aux manipulations de type « cracking », il poursuit avec ces mots :

Le craquement ainsi imposé au mécanisme peut certes libérer « momentanément » ce spasme et sembler donner un soulagement superficiel, mais il peut aussi permettre à la vertèbre ainsi manipulée de « s’enfoncer » davantage dans la direction de la pathologie.

Ce point mérite qu’on s’y attarde un instant afin de comprendre tous ensemble, que certaines de ces « lésions ostéopathiques vertébrales » sont en réalité,  des lésions adaptatives dites « de compensation », et qu’elles sont pour cette raison même,  absolument « nécessaires » au patient pour pouvoir continuer à « fonctionner », comme dans une sorte de « dysharmonie équilibrée ».
Dans ce cas précis (beaucoup plus fréquent qu’il n’y parait), il  devient particulièrement inapproprié, pour ne pas dire carrément «  contre-indiqué », de manipuler ces lésions   « de compensation », car le praticien court alors le risque de faire subir à son patient, une réelle « décompensation », sous forme de « douleurs insupportables », « épuisement considérable »,  névralgies ,    « vertiges », « acouphènes » etc…etc….

Certes, ces techniques dites « structurelles » de manipulation (« Thrust techniques »), nous ont bel et bien été enseignées ; nous les avons même pratiquées un temps avec sincérité et  application.
Mais comme tout Ostéopathe de bonne foi, il nous a bien fallu considérer le fait que les résultats de ces techniques (même correctement exécutées …), étaient pour le moins  aléatoires, et  en tout cas, absolument pas « prédictibles » ; en un mot et pour le dire simplement, dans certains cas « cela marchait », et  dans d’autres, « cela ne marchait pas ».

Au passage, permettons-nous ici de rappeler la liste des  contre-indications à ces techniques de « cracking » articulaire vertébral afin de bien réaliser qu’elles ne sont pas aussi anodines qu’on pourrait le penser :

Contre-indications absolues :

- Toute pathologie des artères vertébrales
- Affections rachidiennes tumorales, infectieuses, fracturaires, malformations (Arnold-Chiari - canal cervical étroit …), inflammatoires, post-traumatiques récentes (moins de 6 semaines).
- Névralgies cervicobrachiales par hernie discale ou ostéophytose (calcifications arthrosiques).
- Ostéoporose.

Contre-indications relatives :

- Anticoagulation
- Facteurs de risques vasculaires cervicocrâniens (Oestroprogestatifs - tabac - Hypertension artérielle ……)
- Patient âgé
- Enraidissement important du Rachis cervical.

Non indications :

- Jeune âge (avant 15 ans)
- Affections psychiatriques (névrose ……)
- Pathologies organiques de voisinage (ORL - neurologique - pulmonaire ….)
- Fibromyalgie.

Le risque majeur et le plus fréquent , en cas de non respect de ces contre-indications , est de faire courir au patient, le danger de subir une « dissection de l’artère vertébrale » ( ce risque concerne  uniquement les manipulations du rachis cervical !!! ) , pouvant entraîner à son tour, dans les cas les plus graves,  un A.V.C. ou hémiplégie.

Voici le moment de préciser  enfin que les " manipulations du rachis cervical " avec craquement  sont INTERDITES et de facto ILLEGALES , quand le patient n'est pas en mesure de fournir à son praticien ( ostéopathe , chiropractor , étiopathe ....) un certificat de non-contre-indication aux manipulations du rachis cervical émanant de son médecin traitant ; Le législateur a ainsi prévu que ces manoeuvres  soient , à défaut d'une interdiction ferme et définitive , pour le moins "encadrées" et "évitées" autant que possible , manoeuvres  dont nous venons de voir précédemment le risque potentiel qu'elles font courir aux patients quand elles sont pratiquées  sans discernement ni précaution ...... 

Compte tenu de ce risque , on peut d'ailleurs se demander si une interdiction pure et simple des "manipulations du rachis cervical" n'aurait pas été plus claire et surtout plus "protectrice" de la part du législateur , principe de précaution oblige ..... 


Ceci étant dit , les  contre-indications mentionnées plus haut ne concernent évidemment que l’utilisation des techniques de manipulations vertébrales avec  "craquements " ( techniques dites  "à haute vitesse et faible amplitude" ) , et ne s’appliquent en aucun cas à la pratique de l’Ostéopathie Tissulaire au sein de laquelle, rappelons-le encore, nous n’appliquons « aucune force venue de l’extérieur », aucun « forcing », aucun  "cracking" .                              

Mais au delà de ces contre-indications absolues ou relatives, comment ne pas nous interroger sur la « validité » et la " légitimité "  de ces techniques de « cracking » qui, comme nous venons de le voir, ne peuvent s’appliquer à tous nos patients ?

Certes, et par bonheur, les accidents  liées aux manipulations vertébrales restent relativement rares, mais nul ne peut contester le fait, que les patients « aggravés », « endoloris », mécontents, et ne voulant plus « entendre parler » de ces  manipulations , sont légion.
(A ce sujet, on lira avec intérêt l’étude suivante: «  Sur le plan épidémiologique, dans une cohorte de 126 patients consécutifs avec une dissection de l’artère vertébrale - niveau cervical -, 16%, en particulier des jeunes sujets, rapportaient une manipulation dans les 10 jours précédant le diagnostic  ». Cervical artery dissections-clinical  features, risk factors, therapy and outcome in 126 patients. J. Neurol 2003.).

Mais s’il est permis dans ces conditions, de mettre en doute la validité de ces techniques de « cracking », qu’en est-il de leur légitimité ?
Elle aussi peut-être sérieusement discutée,  puisqu’il est certain, que ni  le Docteur Still lui même, ni le Docteur Sutherland, ne les ont jamais ni pratiquées, ni enseignées ….. 

Voici ce qu’en dit Richard E. Kappler, D.O., Chairman, (Chicago College of Ostéopathic Medicine, 1978) :

Ceux qui ont connu Still et qui ont connu les types de techniques qu’il utilisait, disent qu’il n’usait pas des techniques d’action directe à haute vélocité (c’est à dire, les techniques avec « cracking ») qui sont apparues plus tardivement ». (….) Il ne nous a pas laissé en héritage une technique manuelle mais une Philosophie et une Approche.

Pierre Tricot, D.O., quant à lui,  nous offre une anecdote riche de sens, vécue lors d’un voyage en 1998 à Kirksville, berceau de l’Ostéopathie historique (lieu de la création  de la toute première école d’Ostéopathie par A.T. Still en personne), à l’occasion de sa rencontre avec le Dr Richard Still junior, arrière-petit- fils d’A.T. Still :

Nous avons été fort surpris en le voyant travailler, de ne pas le voir« manipuler », c’est à dire « thruster ». Devant notre étonnement, Richard Still affirma la chose suivante : « de son vivant, A.T.Still a toujours interdit les techniques de « cracking », qu’il ne considérait pas comme appartenant à la pratique de l’Ostéopathie ». Effectivement, les techniques que nous avons vu Richard Still pratiquer étaient « douces », « lentes », « profondes », « indolores », et pourtant « efficaces » (aux dire des patients qu’il traita devant nous).

Comment  est-il encore possible dès lors, de se dire « Ostéopathes » (c’est à dire les « héritiers du Dr Still ») tout en continuant à pratiquer des techniques que lui même considérait  comme « étrangères » à l’Ostéopathie ?
N’est-il pas permis de considérer l’utilisation « abusive » et même parfois « exclusive » de ces techniques, sinon comme une « trahison », tout au moins comme une « déviance », vis à vis de la Pensée et de la Philosophie" Stilliennes" ?
Comment s’accommoder de cette anomalie et, surtout , comment ne pas se sentir « dérangé » d’exercer sur nos patients ces techniques bien trop souvent « mal-vécues » par eux, et pourquoi  enfin, continuer à « appliquer une force aveugle venant de l’extérieur », au lieu d’écouter « avec nos mains » ce que « le corps a à nous dire » ?

Comme bien d’autres avant moi, et en ce qui me concerne,  j’ai fini par abandonner totalement et définitivement  l’utilisation de ces techniques structurelles de « cracking », au profit d’une « Ostéopathie universelle » (pouvant s’adresser à tous et à tous les âges de la vie), sûre, efficace et sans danger (voir plus haut).
Laissons aux « vertébrothérapeutes » et à tous ceux que ces techniques « fascinent » encore, la responsabilité de les exercer ….
Quant à nous, Ostéopathes, il est  de notre devoir et de notre responsabilité, d’offrir à nos patients une Ostéopathie qui soit à la fois « précise » et « efficace », tout en restant « fidèle » à nos « maîtres fondateurs », A.T. Still et W.G. Sutherland …., et qui plus est, « cerise sur la gâteau », qui ne fera jamais courir le moindre danger à nos patients. (Rappelons-nous au passage du fameux adage Hippocratique, « primum non nocere », « en premier lieu, ne pas nuire », traduisant l’idée selon laquelle, nous devons tout tenter pour faire « du bien » à nos patients, et dans tous les cas, au moins, ne pas « leur nuire, ni les aggraver ».)

En définitive, c’est à vous, lecteurs, que revient le dernier mot ; c’est à vous qu’il appartient de décider « par qui » et surtout, « comment », vous voulez être soignés.  Christophe Briquet , D.O.  .

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